Les représentations du Christ crucifié en Europe occidentale

Les représentations de la crucifixion du Christ en Europe occidentale

D’après F Boespflüg, « Crucifixion », éd. Bayard

 

Il a fallu 4 siècles pour voir les premières représentations du Christ crucifié dans l’art. Tout au plus trouve-t-on le signe Ichthus ou Ichtys (voir publication du 1 er avril 2020 sur ce site : du grec ancien ἰχθύς / ichthús, « poisson »), signe de reconnaissance des premiers chrétiens,  accompagné d’une croix nue comme ci-dessous :

Ainsi, ce reliquaire exposé au British Museum est daté de 420 après JC :

Source : https://marie-la-magdaleenne.over-blog.com

 

 

Aux 7 et 8 èmes siècles après JC apparaissent des représentations du crucifié la tête droite et les yeux ouverts, tel que celui de ce Christ en ivoire daté du 11ème siècle :

Crucifix en ivoire dit « de Fernando et Sancha »

MUSÉE ARCHÉOLOGIQUE NATIONAL DE MADRID

 

Source :

http://www.ecrandenuit.fr/les-archives-du-vendredi-un-crucifix-en-ivoire-de-lepoque-romane-xie-siecle.html

 

Les 14 et 15èmes siècles voient l’avènement du pathétique avec des représentations du crucifié douloureux dans l’art occidental :  le Christ est représenté ayant rendu l’âme, tête affaissée . L’exemple ci-dessous est conservé au Musée Unterlinden de Colmar :

Crucifixion au dominicain

XIV-XVe siècle après JC

 

Source :

https://www.musee-unterlinden.com/oeuvres/la-crucifixion-au-dominicain/

 

 

Puis arrivent des représentations paisibles , dans le sens du « tout est accompli ». Vous trouverez ci-dessous une représentation date du 15ème siècle, attribuée au peintre Raphaël, où règne une atmosphère de paix : les personnages semblent en pause contemplative sous un ciel atmosphérique, dans un  paysage aéré, la tête et le corps du Christ apparaissant sans tension. Cette représentation est dite « Mond et Gavarri » :

Source :

https://www.nationalgallery.org.uk/paintings/raphael-the-mond-crucifixion

 

Ces représentations du Christ calme dureront jusqu’au 20ème siècle. D’autres classifications permettent une vision autre que chronologique.

 

Les représentations à public nombreux peuvent s’opposer aux représentations en tête-à-tête :

 

-exemple de représentation à public nombreux :

Le Tintoret,  1565,  Media: oil, canvas

Dimensions: 518 x 122 cm

Lieu: Scuola Grande de San Rocco,

Source :

https://www.e-venise.com/art-peintres/jacopo_robusti_tintoret_scuola_san_rocco_venise.htm

 

-exemple de représentation en tête à tête (le Christ en croix est isolé pour faire l’objet d’une rencontre interpersonnelle):

Le Cardinal de Bérulle au pied du Christ en croix

Source : https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/palissy/IM17003857

 

Par ailleurs, l’apparition de crucifiés solitaires est liée à l’ambition de l’anatomie juste, comme en témoigne le tableau néoclassique ci-dessous conservé à Madrid :

Christ crucifié de Francisco De Goya, 1790

Source : https://www.wikiwand.com/fr/Christ_crucifi%C3%A9_(Goya)

 

De plus,  quelques points de vue  insolites sont à remarquer. Ainsi, Salvador Dali reprend à Jean de la Croix sa vision du Christ crucifié qui surplombe l’humanité, symbolisée, au bas du tableau, par la barque et les deux pêcheurs qui ramassent leurs filets dans la baie de Port Lligat.

Salvador DALI, Christ de Saint Jean de la Croix -1951- huile sur toile, 205X116 cm, Kelvingrove Art Gallery and Museum, Glasgow

Source : https://www.salvador-dali.org/es/obra/catalogo-razonado-pinturas/obra/667/el-cristo

 

Enfin, quelques représentations défiguratives sont à citer. En particulier, le crucifié de Germaine Richier à Notre Dame D’assy, qui fur placardisé pendant 20 ans , à l’origine de la «Querelle de l’art sacré » . Le Christ semblant défiguré ne fait qu’un avec sa croix :

Germaine Richier, « Christ en croix » (bronze), 1950, église Notre Dame de Toute Grâce, Assy.

Sources :

https://www.photo.rmn.fr/archive/11-523870-2C6NU0M9RG08.html

http://passy-culture.com/?page_id=245

https://www.narthex.fr/reflexions/leglise-et-les-artistes/ouvrage-la-revue-ab-l2019art-sacre-bb-le-debat-en-france-sur-l2019art-et-la-religion-1945-1954

 

Pour finir ce rapide panorama , retenons que les protestants ne représentent que des croix vides puisque le Christ est ressucité. Les jansénistes représentaient des crucifiés aux bras peu ouverts pour symboliser l’étroitesse de la porte du paradis. Actuellement, une phase permissive pouvant porter atteinte à la pudeur religieuse fait régulièrement débat. Une ouverture interressante dans cette évolution des représentations du Christ est assez nouvelle : représenter le Christ se détachant seul de la croix car réssucité.  Ce sont des « crucifiés-ressucités », peut-être une occasion de nous rapprocher de nos frères protestants.

 

Anne Hallopeau

Animatrice du Conseil Pastoral